dimanche 26 mai 2019

Bistrot de campagne




Notre territoire n'est malheureusement pas en mesure d'offrir les mêmes services, selon que nous habitions une zone urbaine ou une lointaine campagne tout juste mentionnée sur une carte michelin ou ign. Ce constat est d'autant plus important et pregnant lorsque je traverse ces routes qui sentent bon la campagne, que les routes sont bordées par de belles et grandes prairies et que le regard persistant des vaches laitières me fait comprendre que je suis un peu sur leur territoire et que mon passage vient déranger leur quotidien d'habitude si tranquille.

C'est au cœur de notre France que j'aime randonner à vélo. Arpenter ces routes me qui me fournissent beaucoup de joie et de motivation tant la nature est belle. Mais lorsque je franchis le panneau d'une bourgade dénommée Virieux sur Bourbre ou Brion je suis attristé de voir ô  combien la désertification produit son œuvre. Il y a des quasis villages fantômes, des maisons abandonnées et délabrées, des commerces jadis florissants et aujourd'hui dans un triste état. Cela fait mal et produit beaucoup de peine.

La densification des villes est à l'œuvre au détriment de nos zones rurales. Ceux qui restent sont des résistants des temps modernes, des utopistes. Je ne peux me résigner. Qu'attendent nos politiques pour maintenir ce tissus rural, certes modeste mais nécessairement utile et qui façonne depuis des centaines d'années nos campagnes et la vie dans les villages. Où sont passés les habitants ? Des mairies courageuses font le pari de maintenir cette vie, une école, un commerce multiservice, font venir un médecin étranger, tout çà pour créer du lien et l'absolue nécessité de retrouver le tissus social et commercial d'avant. Mais  dur dur de faire venir des gens. Alors dès que je le peux, j'aime franchir ces bistrots de campagne, bistrot de pays comme le dit l'appellation consacrée. Un établissement qui a vu passer du monde, à la sortie  d'une cérémonie religieuse, durant le marché hebdomadaire qui se tenait sur la place du village. Ah si les murs pouvaient parler. Ils nous rapporteraient la preuve qu'une vie était possible ici. Une vie simple, mais tellement plus riche. Riche de rencontres et de discussions. Car dans ces bistrots au charme désuet et surannée, on y vient pour retrouver des connaissances et échanger sur les derniers ragots du patron. Dans ces lieux le journal quotidien est posé sur la table et passe entre les mains de nombreux clients. Sous le regard sévère du berger allemand du patron, les habitués et clients de passage franchissent le seuil de cet établissement. C'est parfois juste un client de passage qui désire un renseignement ou cherche tout simplement sa route. Il y a également le fidèle qui vient étancher sa soif, avec un petit ballon de rouge dès 8 heures du matin. L'esseulé accoudé au comptoir qui écoute les conversations des autres, qui passe son temps puisqu'il n'a rien d'autre à faire. C'est le rendez vous des chasseurs et pêcheurs en tout genre, ramasseurs d'escargots ou de champignons. Du commercial qui vient prendre un petit noir entre deux clients tout en continuant à travailler sur son portable.

C'est aussi un lieu que j'apprécie, du temps qui passe, qui me permets d'observer le monde, les gens, et les changements. Venir en terrasse boire une bonne bière après un effort ou venir se réchauffer à la chaleur du poêle qui ronronne dans un coin de la salle. Reprendre des forces et des conseils sur les lieux à ne pas râter. Une foire agricole ou un marché qui permet de prendre des provisions de produits frais et locaux. C'est une étape incontournable, unique qu'il faut absoluement faire.

Ces bistrots sont pour moi une nécessité qui jalonnent mes parcours. Sans eux point de repères et d'informations. Qui se soucient encore de leur maintient et de leur présence. C'est vrai que nous sommes loin, des bars tendances et à la mode où les anonymes se cotoient sans jamais se parler. Ces bistrots de pays, sont des lieux de vies, de passages qui façonnent la vie de ceux qui y prêtent encore attention. 



Si tous ces bistrots ferment, nous pouvons dire adieu alors aux sandwichs pour l'homme de passage ou aux repas ouvriers pour le midi. Adieu à ce savant mélange entre les classes sociales que sont les directeurs, ouvriers et paysans. Adieu également aux parties de belote. Afin d'éviter les fermetures, il faudrait que ces endroits soient classés au patrimoine mondial immatériel, d'un certain art de vivre à la française. Soutenons nos bistrots d'étape.