Je ne sais jamais vraiment comment dire. Je pars faire du vélo ou je vais faire du vélo.
Avant même de monter sur mon vélo pour accomplir la sortie dominicale, combien de fois ai-je fait le parcours dans ma tête. Elaborer un tracé est pour moi le fruit d'un lent mûrissement intérieur. Tout part d'une envie, celle d'aller voir ailleurs. Je ne me pose même pas la question de la distance ou du raisonnable.
Consulter ma carte Michelin afin d'avoir une idée précise des points à suivre et ne pas trop m'égarer de mon objectif final.
Préparer mon vélo, mon compagnon qui vit aussi la même chose que moi. Sans lui, impossible d'atteindre mon désir. Un fidèle, silencieux, qui brise le vent, m'ouvre la route, me porte et me supporte. Il ne me demande pas grand chose en échange, juste de bons soins.
La météo est également à prendre en compte, même si nous ne maîtrisons pas les éléments, c'est quand même plus agréable de rouler dans des conditions acceptables offertes par les 4 saisons.
Jamais sans ma sacoche de selle qui me permet d'ailleurs d'emporter avec moi mes outils, quelques vêtements chauds, de la boisson et un ravitaillement basique.
Je roule en solo, mais ne suis jamais réellement seul. La lumière et le soleil m'accompagnent, le souffle du vent me pousse ou me retient sur l'asphalte, les odeurs de sous bois ou de fermes pointillent mon trajet.
Je suis en liberté dans cette immensité. Je ne suis cependant pas chez moi, je suis en terre animale et végétale. J'emprunte les couloirs dessinés par l'homme. Je ne sens aucune hostilité de la part des éléments que je traverse. Je suis humble et respectueux. La nature offre cette gourmandise pour le coeur, les yeux et l'âme.
Mon avancée presque silencieuse, dérange et perturbe quelques animaux. Ici un chat qui sursaute en me voyant arriver sur lui, là deux immenses lapins de garenne sur le bitume, plongent dans les sous bois en une fraction de seconde et enfin cette vache trop occupée à brouter et qui ne m'avait pas entendu arriver fait deux pas en arrière.
Même si j'apprécie mes trajets habituels, ces derniers me permettent de rester dans ma zone de confort. Mais j'ai aussi besoin d'aller faire du vélo pour me mettre en danger, montrer mes limites physiques et mentales. C'est toujours cette peur qui m'habite, celle de ne pas être capable d'aller au bout, celle de faillir et montrer mes faiblesses. Le cyclisme n'est pas une science exacte et c'est surtout pour moi un moyen d'exister. Je suis fait de chair. Je respire, je transpire, je m'essouffle. Certains jours, mon corps est capable d'exploits physiques et d'autres c'est tout le contraire. Il faut cependant accepter ces états.
Mais quelle récompense que d'être allé au bout. Au terme de son défi. La douleur de l'épreuve est furtive. Ce n'est pas ce que je garde en moi en général. La mémoire est sélective et ne conserve que les belles choses, celles qui nous ravissent. Celles qui nous remettent à notre place de mortel. Partir ou aller, l'essentiel est tout autre. C'est se découvrir un peu plus chaque fois et s'enivrer du monde et des espaces qui nous entourent.